Le transport sur le fleuve Saint-Laurent
Le vent en poupe
L’écrivain Antoine Blondain a écrit qu’en mer, le plus grand danger, c’est la terre. Force est de constater que d’autres paramètres s’ajoutent, avec à la barre, la rentabilité économique.
Le fleuve Saint-Laurent est la porte d’entrée de l’Amérique du Nord et il est au cœur du développement historique, démographique et économique du Québec et du Canada. Ensemble géostratégique pour des fins commerciales, logistiques, militaires et de transport, il revêt depuis des siècles une importance capitale. Les Premières Nations ne l’ont-elles pas utilisé pour assurer leur survie, leurs déplacements et l’établissement de leurs liens commerciaux ? Les navires anglais n’ont-ils pas profité de cette voie navigable pour gagner les rives de Québec ? Sans oublier que le fleuve a porté les espoirs de centaines de milliers d’immigrants arrivant du Vieux Continent à la recherche d’une vie meilleure. Pendant des siècles il fut le gagne-pain d’autant de draveurs, de pêcheurs et de marchands transportant mille et une cargaisons sur les goélettes cabotant sur ses rivages.
Aujourd’hui, plus de 110 millions de tonnes de marchandises diverses transigent annuellement sur le Saint-Laurent, reflétant une économie où la concurrence et le profit sont des enjeux importants. Les armateurs sont avides de rentabilité. Par conséquent, les navires sont de plus en plus imposants et leurs cargaisons plus lourdes.
Les pilotes de la CPSLC sont fiers de contribuer à l’essor économique que fournit le transport maritime. Faire partie intégrante de cette chaîne logistique bien huilée est un honneur. Près de 80 % des biens essentiels et de consommation sont livrés par navire. Et lors de ces dernières années plus difficiles, les pilotes ont agi en tant que travailleurs essentiels contribuant ainsi à l’acheminement de vivres, médicaments et équipements médicaux aux Canadiens.
De 2020 à 2021, les pilotes de la CPSLC ont embarqué 28 700 fois à bord de navires entre Québec et Montréal. En moyenne, toutes les 40 minutes, un pilote embarque à bord d’un navire afin d’effectuer une mission de pilotage.
Comment l’équipage doit-il installer une échelle de pilote
Changer sa course
Un bateau naviguant sur le fleuve change sa course en moyenne 55 fois entre Québec et Trois-Rivières et 65 fois entreTrois-Rivières et Montréal !
Vive allure sur un courant économique
De plus en plus de navires…
Au 19e siècle, le grand vent du changement prend et fait perdre les voilures. On troque la misaine et la grand‘voile pour de nouvelles technologies. Désormais, les bateaux à vapeur se croisent sur un fleuve de plus en plus achalandé. En 1882, le nombre de navires à vapeur se dirigeant vers Montréal dépasse celui des bateaux à voiles !
Chaque année, des milliers de navires empruntent le Saint-Laurent : vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs, bateaux de croisière, traversiers, bateaux de pêche et embarcations de plaisance. Plus un bateau est lourd, plus son tirant d’eau est important et plus il navigue près du fond. De là l’importance de bien connaître le jeu des marées et des niveaux d’eau !
Qu’est-ce que le tirant d’eau d’un navire ? Il s’agit de la profondeur de celui-ci sous la surface de l’eau. Dans plusieurs cas, les pilotes doivent ralentir, coordonner les passages et même procéder au mouillage en attente de la prochaine marée.
… de plus en plus gros
Depuis plusieurs années, de grands changements s’imposent également dans le design des navires. En effet, la coque s’allonge et s’élargit. Ainsi la timonerie se retrouve à une centaine de mètres de la proue, ce qui crée un angle mort significatif à l’avant du navire et restreint la visibilité du pilote situé à la timonerie.
En 2013, le Port de Montréal ouvre la porte aux navires de type post-Panamax, dont la largeur atteint 44 mètres. Il est de plus en plus fréquent de voir ces colosses sur le fleuve. Toutefois, les rencontres entre deux post-Panamax doivent se faire prudemment et selon une marche à suivre très précise. Qui plus est, la largeur du chenal est souvent plus courte que la longueur de ceux-ci qui mesurent environ 300 mètres.
Des colosses sur le fleuve
Parmi les navires qui visitent les eaux du fleuve, certains sont de véritables colosses mesurant plus de 270 mètres de longueur par 45 mètres de largeur (navires post-Panamax) !
Le plus LONG navire à avoir atteint Montréal
Nom : MSC MELISSA
Longueur : 304 m
Largeur : 40 m
Date : 2021
Le plus GROS navire à avoir atteint Montréal
Nom : Minerva Libra
Longueur : 250 m
Largeur : 44 m
Port en lourd : 116 779 t
Date : 2020
La voie maritime du Saint-Laurent
Une voie navigable unique, un réseau complexe
Le fleuve est un axe de développement incontournable par lequel arrive quotidiennement une importante quantité de marchandises. Si sa beauté émerveille, les dangers qu’il réserve aux navigateurs sont multiples et gare à celui qui joue les cartes de l’imprudence. Sur ses flots, bien des situations peuvent survenir auxquelles les marins doivent s’adapter rapidement.
Du fait de sa largeur et de sa position géographique, le fleuve subit les conséquences directes de sa connexion avec l’estuaire, le golfe et l’océan Atlantique.
Le réseau Grands Lacs – Voie maritime du Saint-Laurent trace une route navigable longue de 3 700 km qui s’étend de l’océan Atlantique jusqu’aux Grands Lacs canadiens. En tout, ce sont 15 écluses (13 canadiennes et 2 américaines) qui donnent accès au cœur de l’Amérique du Nord et qui favorisent un développement commercial essentiel. L’inauguration officielle de la Voie maritime du Saint-Laurent a eu lieu le 26 juin 1959.
Une voie commerciale porteuse de changements
Avec la création de cette voie navigable, le spectre des possibilités commerciales s’est élargi et la rentabilité économique a été multipliée. En effet, plus on pénètre loin au cœur de l’Amérique, plus le commerce est profitable car de nouveaux marchés s’ouvrent.
Par conséquent, le nombre de navires qui empruntent le fleuve Saint-Laurent et qui se rendent à Montréal est de plus en plus important. Nul doute que l’ouverture de la Voie maritime a eu une incidence sur le travail des pilotes manœuvrant dans le secteur entre Québec et Montréal, et ce, depuis le début. De plus, il faut garder en tête qu’il est complexe d’y naviguer, entre autres, à cause de l’étroitesse du chenal.
Montréal devient aussi un passage obligé pour quiconque souhaite se rendre sur les Grands Lacs. Le secteur du port de Montréal est alors un point névralgique où les navires se croisent et accostent. Pour le pilotage, c’est aussi un lieu de changement des pilotes pour les navires souhaitant continuer vers l’intérieur.
Profitabilité et sécurité: impossible combinaison?
Le « Fleuve aux grandes eaux », ainsi nommé par le réalisateur Frédéric Back, est donc essentiel au développement. Selon la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES), il contribue d’ailleurs pour 2,3 G$ par année au produit intérieur brut (PIB). Toutefois, cette prospérité a un coût et ne se fait pas sans risques. Qui dit plus de navires dit aussi plus grande probabilité d’événements imprévisibles à leur bord, telles des pannes mécaniques.
Toutefois, le développement économique ne peut se faire au détriment de la sécurité maritime. La bonne nouvelle, c’est que l’un n’empêche pas l’autre ! Une saine gestion des risques, une bonne connaissance de l’environnement et de sa protection, une vision à long terme d’une économie durable, un souci d’une navigation responsable et intelligente sont les clés de la continuité de cet essor. C’est d’ailleurs ici que le rôle du pilote prend tout son sens : en tant qu’expert indépendant de l’industrie, il participe à cet équilibre.
Depuis plusieurs années, des initiatives et des efforts soutenus sont entrepris pour concilier environnement et économie. La marine marchande et le transport par navire font partie de la solution comme en témoignent ces quelques exemples.
Depuis deux décennies, les pilotes de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central s’imposent des limites de vitesse volontaires qui réduisent la taille et la force des vagues créées par le passage des navires. L’objectif est de réduire l’érosion des berges et de minimiser l’impact du passage des navires sur les propriétés riveraines.
De plus, dans certaines circonstances de haut niveau des eaux, des limites de vitesse obligatoires peuvent être mises en place par la Garde côtière. Dans ces circonstances, les pilotes respectent toutes ces mesures.
Dans un monde fortement gouverné par la prospérité économique, c’est un travail et une réflexion de tous les jours. Les défis sont grands et nul doute que la vigilance fait partie de nos précieux alliés. À babord comme à tribord, la prudence est de mise quand vient le temps de penser au transport maritime sur le fleuve Saint-Laurent.
Quels sont les véritables enjeux environnementaux ? Les risques sont-ils réels et si oui, dans quelle mesure ?
Pas de risques inutiles!
Il arrive que des études de risques soient nécessaires. C’est le cas, par exemple, pour des navires qui n’ont pas une taille dite standard et qui souhaitent emprunter le fleuve. Les associations de pilotes concernées ainsi que les intervenants tels que les administrations portuaires, les administrations de pilotage et la Garde côtière canadienne s’unissent alors pour mener une étude portant notamment sur les risques, les impacts sur le trafic maritime et la marge de sécurité lors de croisement avec ce navire.