À l’aube des corporations de pilotage

Port de Montréal, vers 1900
Photographie : Wm. Notman & Son
Coll. Musée McCord

En 1833, les pilotes considèrent qu’il s’avère essentiel de se doter d’une organisation extérieure à la Maison de la Trinité de Montréal afin d’assurer une saine gestion du pilotage maritime. Ils mandatent le notaire Louis Panet pour rédiger un texte juridique, document de base de la Société pour la « Branch Pilots for and above the Harbour of Quebec ». Évidemment, cette initiative ne fait pas l’affaire de la Maison de la Trinité qui détient les pouvoirs de gestion. Cette action se termine par un échec. En effet, la demande de création d’une entité officielle et externe à la Maison de la Trinité regroupant les pilotes est rejetée. Ce droit leur est refusé.

Toutefois, les pilotes ne jettent pas la serviette ! Le 21 mai 1850, ils adressent une pétition à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada réclamant la création d’une corporation, mais qui serait, cette fois, sous la coupole de la Maison de la Trinité de Montréal. Après être passée sous la loupe de cette dernière, la demande est portée par le député de Portneuf, Antoine Ch. J. Duchesnay. Après maints amendements demandés par le Board of Trade et la Maison de la Trinité, l’Acte pour incorporer les pilotes pour le havre de Québec et au-dessus est signé le 10 août 1850.

La Corporation des pilotes pour le Havre de Québec et au-dessus est lancée!

La Corporation des pilotes pour le Havre de Québec et au-dessus devient alors réalité ! Il s’agit d’un regroupement public duquel font partie les pilotes pratiquant en amont du havre de Québec. Cette corporation a maintenant « le droit d’exercer des fonctions réglementaires, disciplinaires, arbitrales et administratives […]. Enfin, elle exerce les différents pouvoirs en vue non de l’intérêt d’un particulier ou d’un groupe de particuliers, mais de la profession et de la société tout entière. » (Pierre Harvey, « L’organisation corporative de la province de Québec », L’Actualité économique, avril 1953)

L’Association du tour de rôle

Toutefois, bien que les pilotes soient maintenant membres d’une corporation, il subsiste un point litigieux entre eux : le mode d’affectation aux navires. Au sein de la corporation coexistent les pilotes du type « à tour de rôle » et les pilotes qui sont embauchés directement par les compagnies maritimes et affectés uniquement à leurs navires (libre concurrence). Cela mène parfois à des relations houleuses car les intérêts divergent. En outre, cette situation, en plus d’entretenir un climat de concurrence, laisse planer une certaine désorganisation du pilotage et de la disponibilité des pilotes. En 1870, émerge donc l’idée de créer une association dont le principe directeur serait l’affectation à tour de rôle et non plus l’assujettissement au mode de fonctionnement basé sur la libre concurrence. C’est au printemps 1873, à Deschambault, que sont signés les documents officiels de l’Association du tour de rôle.

Il est facile de supposer que les discussions entre les adhérents au mode d’attribution « à tour de rôle » et ceux souhaitant garder leurs privilèges de pilotes en concurrence aient été agitées. Toutefois, un compromis fut trouvé et c’est sur la base de ce dernier qu’est créé un premier comité formé de cinq pilotes élus.

Mais, même si ce comité a toute sa légitimité, il est difficilement accepté. En effet, les autorités du Port doutent des compétences des pilotes concernant la gestion d’une corporation. D’ailleurs, en 1873, la Commission du Havre de Montréal ne reconnaît toujours pas le Comité des pilotes. Difficile alors de faire entendre leur voix.

Une période orageuse…

Les années suivantes sont marquées par diverses revendications, lesquelles restent sans réponse. Exaspérée par cette indifférence, l’Association du tour de rôle avertit qu’elle souhaite se constituer en corporation, différente de celle des pilotes pour le Havre de Québec et au-dessus. Ceci fait bouger les autorités et semble dénouer l’impasse… mais seulement de manière théorique. En effet, nul changement concret n’est apporté.

Puis, en 1884, une demande d’incorporation est déposée au Parlement. Mais c’est un échec en raison de l’objection des armateurs et des autorités portuaires. En 1896, une seconde tentative mène encore une fois à une déception. Cette année-là est particulièrement orageuse entre les pilotes et les armateurs qui considèrent, eux aussi, que les pilotes sont incapables de gérer une corporation ainsi que l’organisation du pilotage.

Las et irrités du mépris auquel ils font face, les membres de l’Association des pilotes de Québec à Montréal, menés par Cléophas Auger, votent un mandat de grève. C’est ainsi que le 18 juin 1897, les 52 pilotes œuvrant dans la circonscription comprise entre Québec et Montréal arrêtent tout travail, et ce jusqu’au 26 du même mois. Pendant cette période, il est alors impossible pour les navires de bénéficier des services de pilotage au port de Montréal afin de redescendre le fleuve. De plus, les pilotes « d’en haut » restés à Québec à la suite de leur dernière mission sont aussi sur les quais, faisant la grève. Ainsi, aucun pilote n’embarque à bord des navires à destination de Montréal. Au 31 décembre 1897, bien que la grève soit terminée depuis plusieurs mois, le conflit, lui, n’est pas encore réglé.

Ce conflit trouve son issue avec une commission d’enquête présidée par le juge John Lavergne et commandée par le ministre de la Marine en janvier 1898. Parmi les points étudiés figurent notamment les relations entre les pilotes, les armateurs, les marchands œuvrant dans le commerce d’import-export et l’administration de pilotage, le nombre de pilotes brevetés et actifs, la formation des apprentis ainsi que l’entretien du chenal maritime et son balisage.

Des audiences publiques ont lieu. C’est d’ailleurs à ce moment que Sylvestre-Cléophas Auger dépose son Mémoire des pilotes dans lequel il propose maintes recommandations. Pour finir, la commission d’enquête tiendra compte des mentions faites lors des audiences et portera une attention particulière au mémoire en ce qui a trait à la formation des pilotes et l’entretien du chenal de navigation.

En même temps, le ministère de la Marine et des Pêcheries prend davantage de place. En vertu de la Loi 261, la responsabilité du pilotage entre Québec et Montréal est confiée à cette instance gouvernementale et donc retirée à la Commission du Havre de Montréal qui est dissoute en 1903.

Au déclenchement de la grève de juin 1897, plusieurs journaux relatent la nouvelle. Tout comme La Presse, le journal La Patrie fait paraître un premier article sur le sujet le 19 juin.

Source : BAnQ
«Très grave complication provoquée par le rejet du bill des pilotes au Sénat », La Patrie, 19 juin 1897.

« La grève des pilotes », La Presse, 24 juin 1897.

La Corporation des pilotes du Saint-Laurent central met les voiles

Association des Pilotes Unis de Québec à Montréal

Malgré l’ère de changements à travers laquelle sont passés les pilotes, beaucoup de choses restent à faire. Les revendications sont exprimées, mais difficiles à gagner. Afin d’augmenter leur pouvoir de négociation, les pilotes fondent, le 27 décembre 1918 à Deschambault, l’Association des Pilotes Unis de Québec à Montréal (United Montreal Pilots). En tout, 33 pilotes forment cette association professionnelle.

D’autres modifications dans le fonctionnement de la profession se produisent comme la mise en commun des revenus des pilotes. De plus, la durée des contrats de travail entre les pilotes et l’Association des Pilotes Unis de Québec à Montréal est désormais de 25 ans.

La Corporation des pilotes du Saint-Laurent central

En 1958, une nouvelle organisation voit le jour, la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central (CPSLC). Elle évolue aux côtés de l’Association des Pilotes Unis de Québec à Montréal jusqu’en 1968. À ce moment, la CPSLC la substitue.

Aujourd’hui, ce sont 122 pilotes qui œuvrent au sein de la CPSLC et qui assurent la sécurité des navires dans le secteur compris entre Québec et Montréal.

Depuis la création en 1873 de l’Association du tour de rôle jusqu’à aujourd’hui, plus de 600 pilotes ont manœuvré pour le compte de la CPSLC actuelle. Ceci signifie des milliers de missions de pilotage, des millions de tonnes de marchandises et des équipages provenant des quatre coins de la planète !

Logo de l’Association des pilotes unis de Montréal
Coll. CPSLC

Logo de l’Association des pilotes unis de Montréal
Coll. CPSLC

Suite à l’embarquement d’un pilote à bord d’un navire, la tradition et les règles de certains pays dictent que l’équipage doit hisser le drapeau HOTEL du code international des signaux. Cette marque visuelle, qui signifie qu’il y a un pilote à bord du navire, n’est plus obligatoire au Canada mais la plupart des navires qui transitent sur nos eaux suivent encore cette tradition.

Pilotes de génération en génération

À l’époque, la profession de pilote maritime en est une qui transcende fréquemment les générations. Ainsi, habitent sur le bord du Saint-Laurent des lignées familiales de pilotes tels les Bouillé, les Perreault, les Paquet, les Naud, les Bélisle, les Gauthier, les Raymond, les De Villers, les De Lachevrotière et les Arcand. De plus, plusieurs pilotes du secteur compris entre Québec et Montréal sont originaires de Deschambault et Lotbinière. Les pilotes reçoivent habituellement leur licence de pilotage dans la jeune trentaine.

M. et Mme Laurent Gauthier et M. et Mme Tancrède Bouillé
Coll. Marie Bouillé

Le pilote Onésime Neault
Coll. Francine Ro

Un fleuve et ses défis

« La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle. »
– Léonard de Vinci –

Le tronçon du fleuve couvert par les pilotes de la CPSLC s’étend du Port de Québec jusqu’à l’ouest du Port de Montréal. Un bien grand tronçon qui s’étend sur une distance de 135 milles nautiques (243 km) ! Puisqu’il s’agit d’un très long trajet à effectuer par un seul pilote, cette zone est divisée en deux secteurs depuis 1959 (auquel s’ajoutera le secteur du Port de Montréal) :

1. Québec – Trois-Rivières

2. Trois-Rivières – Montréal

Le groupe de pilotes est divisé également entre les deux secteurs.

Fait intéressant!

Rappelons-nous que le pilote est un spécialiste du secteur auquel il est attitré. Les pilotes possèdent un brevet valable uniquement au sein de l’un des deux secteurs ou à l’intérieur des limites du Port de Montréal. Ils maîtrisent alors parfaitement les connaissances et les risques qui y sont reliés. Une nécessité ? Tout à fait !

De plus, les responsabilités quant aux ports intermédiaires sont bien partagées : celles du pilotage aux ports de Bécancour et de Trois-Rivières reviennent aux pilotes du secteur Québec – Trois-Rivières. Tandis que celles des ports de Sorel et de Contrecœur sont attribuées aux pilotes du secteur Montréal – Trois-Rivières. Le Port de Trois-Rivières, contigu aux deux secteurs, est quant à lui partagé entre les pilotes des deux secteurs.

Vraquier dans le secteur de Québec
Photographie : André Lavoie

Un seul type de pilotage maritime? Non!

Dans le secteur situé entre Québec et Montréal, il existe deux types de pilotage : la manœuvre et le pilotage fluvial.

La manœuvre consiste généralement à arriver ou à partir d’un des nombreux quais des ports de Québec, de Trois-Rivières, de Montréal ou d’un des ports intermédiaires (Sorel, Bécancour, Contrecœur, etc.). La manœuvre peut être effectuée avec ou sans l’aide de remorqueurs portuaires, dépendamment du type de quai, des caractéristiques du navire, de la météo et des courants.

Le pilotage fluvial quant à lui, concerne la conduite du navire lorsqu’il fait route dans le chenal de navigation et ce, 24 heures par jour, 7 jours par semaine et 365 jours par année.

Manoeuvres d’accostage d’un pétrolier au port deTrois-Rivières.
Coll. CPSLC

Les remorqueurs portuaires sont des bateaux utilisés principalement pour assister les opérations d’appareillage ou d’accostage des navires au quai. Ils ne sont pas utilisés à chaque manœuvre car c’est le pilote et le capitaine qui décident ensemble s’ils en auront besoin d’un ou de plusieurs. Ici, un roullier au port de Bécancour Photographie : Simon Provencher

Pétrolier sur le lac Saint-Pierre
Coll. CPSLC

La vigilance est essentielle

Les enjeux liés à la navigation dans ce secteur sont nombreux : eau peu profonde du chenal, mauvaise visibilité causée par la pluie, brume, neige et fumée de mer, trafic dense et glaces. De plus, la voie navigable y est sinueuse et étroite, ce qui ajoute une part de risque. Entre Montréal et Québec, la largeur du chenal est de 245 mètres avec une profondeur de 11,3 m. En aval, entre Québec et Trois-Rivières, cette profondeur est seulement de 10,7 m. La prudence n’est pas alors une option, mais un devoir !

Une mission de pilotage… Ça ressemble à quoi?

La journée de travail du pilote maritime commence bien avant qu’il ne soit installé dans la timonerie. Un travail préparatoire est nécessaire afin d’avoir quelques données en main avant l’embarquement et l’échange d’informations qui aura lieu avec le capitaine. Voyons brièvement à quoi peut bien ressembler une journée de travail d’un pilote qui embarque à Québec pour piloter un navire jusqu’au Port de Trois-Rivières…

1. Quatre heures avant le passage du navire à la station de pilotage, un pilote est affecté au navire par l’Administration de pilotage des Laurentides ;

2. Le pilote prend connaissance des niveaux d’eau du fleuve, des prévisions météorologiques et des caractéristiques techniques du navire. Il prend aussi note du trafic maritime prévisible lors de son transit ;

3. Il se rend à la station de pilotage environ trente minutes avant l’arrivée du navire. Puis, il embarque sur le bateau pilote afin de rejoindre le navire qui fait route ;

4. Le pilote est accueilli sur le pont par un officier et se rend immédiatement à la timonerie puisque c’est de cet endroit que s’effectue le pilotage. Le pilote qu’il remplace lui transmet des informations importantes et celui-ci quitte ensuite via le même bateau pilote ;

5. Le pilote et le capitaine discutent des caractéristiques du navire, des conditions météo et de l’équipement à bord afin de planifier le transit ;

6. Le pilote prend tout de suite la charge du navire. Il transmet le cap au timonier et la vitesse à l’officier en charge du télégraphe. Il n’y a pas de temps à perdre, car le navire est toujours en mouvement sur le fleuve !

Bien que le capitaine soit habituellement présent au début ou à la fin d’un transit, le pilote travaille davantage aux côtés de l’officier de navigation, le représentant du capitaine et le timonier ;

7. Faisant suite au transit, le pilote effectue la manœuvre au quai du Port de Trois-Rivières ;

Lorsque le quai attitré au navire n’est pas libre ou lorsqu’il est nécessaire de rester en attente, le navire doit procéder vers différentes zones de mouillage ;

8. Lorsque la manœuvre d’accostage ou de mouillage est terminée, le pilote quitte le navire.

À la suite d’une mission, le pilote doit obligatoirement être au repos pour une période minimum de 10 heures avant d’être affecté sur un autre navire. De plus, la période de travail d’un pilote est d’une durée d’environ deux semaines par mois. Pendant cette période, il doit être disponible 24 h/24, 7 j/7 et il pilotera une dizaine de navires. Puis, il sera en repos pendant deux semaines avant de retourner sur le tour de rôle.

Officier télégraphe (avant plan) et timonier (arrière plan) dans la timonerie.

Bateau pilote servant au transbordement des pilotes.
Coll. CPSLC

Fait intéressant!

Un transit entre Québec et Trois-Rivières prend environ 6 heures. En sens inverse, il prend environ 4 heures et 30 minutes. Il en est de même pour le déplacement entre Trois-Rivières et Montréal.

Le transbordement… pas toujours facile!

Quel est l’appareil essentiel utilisé par le pilote lorsqu’il embarque à bord du navire à mener ? Une échelle… faite en corde !

Pendant l’embarquement, le bateau doit ralentir, mais il poursuit tout de même sa course sur le fleuve. Pour que le pilote puisse monter à bord, l’équipe sur le pont fait glisser une échelle le long de la coque. Pendant ce temps, le bateau pilote doit rester aussi stable que possible, le temps que le pilote saisisse l’échelle et y pose les deux pieds. Selon les conditions météo, il est facile d’imaginer que cette opération soit périlleuse ! Les pilotes doivent obligatoirement porter un gilet de sauvetage lors de cette opération.

La fabrication d’une échelle de pilote ainsi que la méthode utilisée par l’équipage pour l’amarrage doivent respecter des règles strictes dictées par la Convention SOLAS (Safety of Life at Sea) de l’OMI (Organisation maritime internationale).

Transbordement d’un pilote. On voit ici le bateau pilote qui doit se tenir très près en tout temps du navire à bord duquel doit monter le pilote.
Coll. CPSLC

Et ça se pilote avec quels outils, un navire?

La navigation sur le fleuve ne s’est pas toujours faite à l’aide du GPS ! Au fil du temps, les outils de navigation et les techniques de pilotage ont évolué au même rythme que les nouvelles technologies disponibles. Depuis les années 1970, la technologie s’invite de plus en plus à bord des navires.

Par exemple, entre 1960 et 1980, des radars de navigation plus efficaces et plus précis arrivent dans les timoneries. En période de noirceur ou de visibilité réduite, la navigation au radar devient essentielle. En effet, cet instrument électronique permet au pilote d’effectuer une navigation précise à l’aide de mesures des distances prises sur l’écran de l’appareil.

Aux techniques de pilotage « à vue » et au radar s’ajoute dans les années 1990 un outil permettant de valider les positions : la carte électronique sur laquelle on observe la position GPS du navire. Le système de positionnement par satellite (GPS) s’ajoute au coffre à outils des pilotes, permettant ainsi de maximiser la taille des navires sur le fleuve.

Avec ces nouvelles technologies, le pilote a-t-il encore besoin de cartes ? Eh oui ! Il y a des outils qui seront toujours nécessaires et les cartes marines en font partie. Les pilotes utilisent des cartes en format électronique produites par le Service hydrographique du Canada. C’est d’ailleurs depuis 1883 que le Service hydrographique du Canada étudie les eaux canadiennes afin d’assurer leur utilisation sécuritaire et durable.

Depuis 2008, l’unité portable du pilote (PPU) fait aussi partie des outils indispensables à bord des navires. En fait, chaque pilote possède un PPU qu’il utilise pour chacune de ses missions. C’est un ordinateur portable sur lequel est installé un système indépendant de navigation électronique qui possède son propre mode de positionnement, mais qui est également connecté au navire afin de recevoir un maximum d’informations en temps réel.

En 2008, un système d’information électronique auquel se connecte le PPU est implanté et permet d’augmenter la sécurité du passage jusqu’à Montréal. Il permet, entre autres, aux pilotes d’avoir accès en temps réel à une kyrielle d’informations nécessaires à la navigation sur le fleuve : état du chenal, hauts-fonds, mouvements du couvert de glace, niveaux d’eau, marées, avis de navigation… De plus, grâce au système AIS (Automatic Identification System), le pilote connaît en tout temps la position des autres navires dans son secteur de navigation.

RADAR (gauche) et carte électronique (droite).
Source : CPSLC

Unité portable du pilote (PPU)
Source : CPSLC

Qu’est-ce que l’Administration de pilotage des Laurentides?

Cet organisme, de compétence fédérale, est responsable de la gestion et de la mise à disposition de services de pilotage maritime ainsi que des services connexes dans les eaux de la région des Laurentides, notamment dans les secteurs du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saguenay. Dans le but d’y assurer une navigation sécuritaire, sa mission consiste à gérer un service de pilotage maritime efficace, et ce, en collaboration avec les corporations de pilotes et l’industrie maritime.

Piloter « à vue »

Depuis les débuts du pilotage maritime, les pilotes ont développé une technique de navigation précise qui utilise strictement des amers visuels. Encore aujourd’hui et malgré toutes les technologies à bord des navires, celle-ci est toujours utilisée. En se servant de ces amers, les pilotes sont en mesure de savoir où se positionne le navire par rapport au centre du chenal tandis que d’autres points de repère visuels leur indiquent quand il est nécessaire d’effectuer un changement de cap. Qu’est-ce que des amers? Ce sont des points de repères physiques situés sur la terre ferme ou sur le fleuve. Certains sont visibles de jour et de nuit (bouées, phares, feux d’alignement, pylônes électriques) tandis que d’autres ne sont visibles que de jour (montagnes, clochers d’église, bâtiments particuliers).

Ces marques visuelles sont essentielles lors des changements de cap du navire pendant son transit et tous les pilotes doivent les avoir bien en tête. À titre d’exemple, il y a entre Québec et Montréal environ 200 changements de course, ce qui implique beaucoup de ces marques visuelles et une excellente mémorisation de celles-ci.

Ici, le Federal Champlain dans le secteur de Trois-Rivières.

Source : Gary Waters

Une profession en constante évolution

L’histoire de la profession n’est pas un long fleuve tranquille ! De nombreux défis se sont mis sur la route, mais tous ont été nécessaires. Dans le changement, on peut reconnaître des avancées et de nouvelles perspectives. Dans un monde en constante évolution comme celui de la navigation et du commerce maritime, il est impératif de s’imposer de nouvelles réflexions. Comme à la fin du 18e siècle, les changements apportés au cours des dernières décennies ont créé un réexamen des façons de faire. À chaque époque, ses remous !

Commission royale d’enquête 1962-1971

En 1962, la navigation sur le fleuve est de plus en plus importante. Le nombre de navires provenant de tous horizons augmente et donc, le trafic maritime. Face à cette hausse, les pilotes, assujettis à un horaire de travail de 30 jours consécutifs, 24 h/24, peinent à suffire à la demande. Ils réclament l’embauche d’effectifs supplémentaires. Or, le gouvernement fédéral, qui régit l’embauche, considère que le nombre de pilotes est adéquat et refuse la demande. Les pilotes décrètent alors qu’ils ne retourneront pas à bord jusqu’à ce que celui-ci change son fusil d’épaule.

Le gouvernement se retrouve face à un dilemme car c’est l’ouverture de la voie maritime et les navires en transit affluent sur le fleuve, laissant planer une sécurité maritime déficiente. Devant la grève des pilotes, le gouvernement brandit la menace d’une loi spéciale. Toutefois, si les pilotes reviennent au travail, une Commission royale d’enquête sur le pilotage sera ouverte afin de valider ou d’invalider les demandes et faire les changements nécessaires. Les pilotes acceptent. Or, ce qui devait être une enquête concernant le district compris entre Québec et Montréal s’élargit à tout le Canada. Les délais sont alors plus longs. L’enquête se termine en 1971, soit 9 ans plus tard et avec 39 recommandations. Du Rapport de la Commission royale d’enquête sur le pilotage présidée par l’honorable juge Yves Bernier, naît la Loi sur le pilotage, partie intégrante (section 6) de la Loi sur la marine marchande.

En 1962, lors du déclenchement de la grève, les revendications des pilotes ne se résument pas qu’au nombre d’effectifs. Au menu des principales demandes, les conditions de travail font figure de proue.

1. La reconnaissance des compétences et du travail de pilote
Avant 1971, le pilote est considéré, pour les capitaines et les armateurs, comme un simple aviseur technique. Ainsi, il n’est pas chargé de la conduite des navires et il agit à titre de « conseiller ». Sa présence, dans la timonerie et sur la passerelle, ne signifie pas que ses recommandations seront retenues, cela étant à la discrétion du capitaine.

En 1971, la Loi sur le pilotage fait passer le pilote d’aviseur technique à chargé de la navigation dans les eaux canadiennes. Un changement majeur au sein de la profession.

2. Les revenus
Les pilotes veulent voir les tarifs de pilotage augmenter tandis que l’Association des armateurs canadiens souhaite garder le statu quo. Des négociations sont souvent nécessaires pour régler cette partie du litige.

3. La rémunération des apprentis pilotes
À l’époque, les aspirants pilotes ne recevaient aucune rémunération au cours de leur mission de pilotage. Cette rémunération étant refusée par les armateurs. Pourtant, ces derniers ont intérêt à ce qu’ils reçoivent une formation adéquate et qu’ils soient rémunérés à la hauteur de leurs efforts. En effet, ces apprentis sont ceux qui mèneront leurs navires en toute sécurité quelques années plus tard.

4. La disponibilité des pilotes
Être pilote signifie être prêt à embarquer sur un navire à toute heure du jour et de la nuit avec un très court préavis. Or, les pilotes sont conscients qu’une mission de pilotage requiert une préparation minutieuse. C’est en 1980 qu’un règlement stipule qu’un préavis de 4 heures doit être donné au pilote lors de l’attribution d’une mission de pilotage.

En 1974, bien que l’Enquête royale soit terminée depuis 3 ans, peu de changements concrets se font sentir. Après maintes demandes, les pilotes entament une grève, sous la menace d’une loi spéciale de la part du gouvernement fédéral. Pour régler le conflit, il est décidé d’opter pour un système d’arbitrage.

C’est en 1975 que les revendications des pilotes sont acceptées, soit 13 ans après le début de la Commission royale d’enquête sur le pilotage de 1962.

La Loi sur le pilotage de 1972, revue

En mai 2017, Transports Canada lance un examen de la Loi sur le pilotage afin de la moderniser. Un an plus tard, un rapport final est déposé avec 38 recommandations. Celles-ci concernent, entre autres, la révision des objectifs de la loi elle-même, l’amélioration du modèle de gouvernance du pilotage, la révision de la méthodologie d’analyse des risques et l’allègement du processus de la fixation des tarifs.

6 avril 1962

La grève des pilotes paralyse alors la circulation maritime sur le fleuve. À la table des négociations, les représentants des pilotes du Saint-Laurent et l’Association des armateurs. Au centre des pourparlers : les hausses salariales et l’amélioration des conditions de travail. Plusieurs navires sont ainsi immobilisés dont des bateaux de croisière avec à leur bord des centaines de passagers.

Au matin du 9 avril 1962, La Presse relate la grève qui sévit depuis quelques jours dans le conflit qui oppose les pilotes aux armateurs
La Presse, 9 avril 1962
Source : BAnQ

Pilote Amélie Tessier
Coll. CPSLC

Le pilotage au féminin

Encore aujourd’hui, les femmes se font rares dans le monde du pilotage. On estime à 6, le nombre de femmes pilotes au Canada sur un effectif de 440 pilotes. Fait intéressant, celles-ci naviguent toutes sur le Saint-Laurent : 4 entre Les Escoumins et Montréal et 2 sur la voie maritime menant aux Grands Lacs. Néanmoins, une hausse de la présence féminine se fait sentir. Par exemple, depuis quelques années, une augmentation des inscriptions est remarquée dans les programmes de Navigation et de Techniques de la logistique du transport à l’Institut maritime de Rimouski. Cette tendance est une bonne nouvelle : elle assure une relève, en plus d’apporter une diversité au sein des équipes.

De tradition masculine, cette profession laisse maintenant plus de place aux femmes et la porte leur est bien ouverte sur le marché du travail. De surcroît, plus il y aura de modèles féminins au sein des professions maritimes, plus il y aura de femmes qui s’y intéresseront et qui voudront y faire carrière.

Curiosité des capitaines

Malgré le fait qu’ils soient à bord pendant de nombreuses heures, les pilotes ne quittent jamais leur poste. Aucune pause n’est alors prévue. Comment font-ils pour manger, par exemple? Des repas leur sont apportés, lesquels ils mangeront dans la timonerie. Fait intéressant, les pilotes doivent parfois manger dans l’obscurité puisque la nuit, toutes les lumières sont éteintes afin de préserver une meilleure vision nocturne!

Source : CPSLC

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