Le pilotage maritime

Le pilote est un expert de la navigation maritime aux connaissances locales très pointues qui se joint temporairement à l’équipage d’un navire afin de mener celui-ci sécuritairement entre deux lieux sur le fleuve Saint-Laurent.

Le terme PILOTE vient de l’italien pilota, issu du grec πηδον pêdon signifiant « gouvernail », « rame plate ».

Depuis plus d’un siècle, l’évolution des équipements électroniques à bord des navires rend la navigation plus précise et plus sécuritaire. Malgré tout, les pilotes maritimes sont encore essentiels. Mais alors, si le pilote est toujours requis, ses tâches ont-elles évolué ?

Pilote au travail dans la timonerie en aval du pont Laviolette à Trois-Rivières Coll. CPSLC

… depuis belle lurette!

« De la Grande Rivière de Canada appellée par les Européens de St. Laurens ». Jean Deshayes, 1706
Source : BanQ

Parez à virer!

Il y a des pilotes sur le fleuve Saint-Laurent, mais aussi sur plusieurs cours d’eau où la navigation est délicate. Les pilotes ne sont donc pas essentiels seulement au Québec. D’ailleurs, on estime que 8 500 pilotes maritimes, en provenance de 55 pays, sont membres de l’International Maritime Pilots Association. De ce nombre, 440 sont d’origine canadienne et font partie de l’Association des pilotes maritimes du Canada (APMC) créée en 1966. Sa mission est de : « sensibiliser le public au rôle joué par les pilotes maritimes pour protéger la sécurité du public et l’environnement, et de collaborer avec les autres parties intéressées en vue d’assurer un secteur maritime à la fois dynamique et prospère. »

Naviguer sur le Saint-Laurent requiert des connaissances très précises. Cette navigation fluviale renferme une grande part de risques que seul un expert, le pilote, est apte à minimiser. Toutefois, bien qu’il prenne place dans la timonerie, le pilote n’a pas le commandement du navire et il ne fait pas partie de l’équipage. Néanmoins, il en a la conduite, c’est-à-dire qu’il contrôle le cap et la vitesse.

Qu’est-ce qu’un mille marin?

Depuis fort longtemps, le mille marin, ou mille nautique, est l’unité de mesure de longueur utilisée en navigation maritime.

Un mille nautique (MN) est égal a 1 852 mètres. Selon la définition originelle, le mille marin est exactement égal à la longueur d’un arc reliant deux points d’un même méridien terrestre distants d’une minute en latitude.

Ports et mouillages situés dans le secteur de pilotage entre Québec et Montréal

Source : CPSLC

Des responsabilités de haut niveau

« La conduite d’un navire dans une zone de pilotage obligatoire est interdite sauf si elle est assurée par un pilote breveté, ou un membre régulier de l’effectif du navire, titulaire d’un certificat de pilotage pour cette zone.»

– Article 38.01 (1), Loi canadienne sur le pilotage –

Pendant leur mission, de grandes responsabilités incombent aux pilotes et les erreurs de navigation doivent être réduites à leur maximum, autant dire inexistantes. C’est en 1971 que la Loi sur le Pilotage prescrit que le pilote doit être celui qui assure la conduite du navire. Toutefois, s’il ne remplace pas le capitaine, quel est son rôle dans la timonerie?

À chaque pilote sa section du fleuve

Chaque pilote est spécifiquement formé pour le secteur dans lequel il est appelé à naviguer. En termes concrets, il est un expert de cette partie du fleuve. Il connaît mieux que quiconque les courants et leur force, le mouvement des glaces, les marées, les obstacles et toutes les autres particularités qui rendent singulière et périlleuse la navigation sur le Saint-Laurent.

Au moment de l’embarquement sur le navire attitré, le pilote doit tenir compte d’une multitude d’informations et en faire l’analyse: la taille du navire et son tirant d’eau, sa cargaison, la densité du trafic maritime, les conditions météo et bien sûr, la destination finale. Ces données sont primordiales, car ce sont elles qui le guident dans sa prise de décisions et dans la gestion des risques.

1 navire, 1 trajet… mais plusieurs pilotes!

Lors de son voyage vers Montréal en provenance de l’océan, un navire embarque un premier pilote aux Escoumins. Après 120 milles marins de navigation (222 km), il est remplacé par un deuxième pilote à Québec. Celui-ci guidera le navire jusqu’à Trois-Rivières sur une distance de 70 milles marins (130 km) et sera remplacé par un troisième pilote. Celui-ci prendra en charge la navigation jusqu’à Montréal soit une distance de 65 milles marins (120 km).

Les lieux où se relaient les pilotes se nomment « stations de pilotage ».

Les stations de pilotage

1- Station de pilotage des Escoumins (Corporation des pilotes du Bas-Saint-Laurent)
2- Changement de pilote à Québec (Corporation des pilotes du Saint-Laurent central)
3- Changement de pilote à Trois-Rivières (autre pilote de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central). Celui-ci assure aussi la manœuvre
d’accostage à Montréal
4- Changement de pilote à l’écluse de Saint-Lambert jusqu’aux Grands Lacs (prise en charge par l’Administration de pilotage des Grands Lacs)

Est-ce obligatoire d’avoir un pilote à bord?

La Loi canadienne sur le pilotage exige que tous les navires étrangers mesurant plus de 35 m de longueur aient recours à des services de pilotage sur le fleuve Saint-Laurent en amont des Escoumins. Il en va ainsi pour tous les navires canadiens de plus de 70 m de longueur. À noter que les navires de la Garde côtière canadienne et de la Marine royale canadienne sont exemptés de cette exigence, mais peuvent quand même en faire la demande.

Pourquoi est-il nécessaire qu’un pilote maritime local embarque à bord d’un navire marchand qui transite sur le fleuve? Bien que très compétents, les capitaines et les membres d’équipage à bord des navires marchands qui naviguent partout sur la planète ne possèdent pas toutes les connaissances locales requises pour effectuer une navigation sécuritaire dans les endroits qu’ils visitent. De plus, le français est la langue parlée lors des communications avec les remorqueurs ainsi qu’avec le SCTM (Le service de communications et de trafic maritime). Malheureusement, la plupart des étrangers ne maîtrisent pas la langue de Molière.

Fiche d’apprenti de Liboire Perreault attestant son transit de Montréal vers Québec, 1894
Coll. Jean Bélisle

Bateau pilote lors d’une manoeuvre de transbordement.
Source : CPSLC

Le bateau pilote

Le bateau pilote ou « pilotine » est l’embarcation spécialement conçue et utilisée pour transborder un pilote. Ce transbordement peut se faire lorsque le navire est en route, donc en mouvement, ou lorsqu’il est au mouillage. Lorsque les conditions de mer ou de glace sont difficiles, un remorqueur peut également être utilisé pour cette opération. Pour le secteur entre Québec et Montréal, c’est le Groupe Océan qui assure la gestion des transbordements des pilotes.

Le pilote de port

Il existe même des pilotes dont le travail est d’assurer les déplacements des navires à l’intérieur des limites d’un port, notamment celui du port de Montréal.Ce sont les pilotes lamaneurs. Il y a cinq de ces pilotes au sein de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent, et ont rejoint cette organisation en 2011.

Changement de pilote à bord du navire CABOT dans le secteur de Québec, 1965. Photographie : John Low
Coll. René Beauchamp

Un apprentissage au long cours

En raison des responsabilités importantes qu’il comporte, le pilotage est la plus haute spécialisation de l’industrie maritime dans le milieu de la navigation. Après avoir fait quatre ans d’études en navigation dans une école spécialisée, par exemple à l’Institut Maritime du Québec à Rimouski, le marin doit :

1. Naviguer pendant cinq ans comme officier, et ce jusqu’à l’obtention d’un brevet de capitaine ;

2. Poser ensuite sa candidature comme apprenti pilote, suivre une formation de deux ans et effectuer 300 missions en compagnie d’un pilote breveté ;

3. Réussir d’exigeants examens écrits et oraux.

Apprenti pilote, pilote et capitaine au travail dans la timonerie
Coll. CPSLC

Les centaines de transits durant lesquels l’apprenti accompagne un pilote lui permettent d’apprendre le volet pratique de la profession qu’il est impossible d’assimiler sur un banc d’école ou dans un livre. Au cours de ces 24 mois, l’apprenti assiste des dizaines de pilotes différents, chacun lui transmettant une partie de son expertise. Au début, l’apprenti ne fait qu’observer. Progressivement, il prend le relais du pilote pour devenir autonome en manœuvre et en pilotage au bout de deux ans d’apprentissage.

Une des épreuves de l’examen écrit consiste à dessiner, de mémoire, les cartes marines afin de reproduire le plus exactement possible le secteur de navigation de l’apprenti pilote. Quant à l’examen oral, qui dure une journée complète, l’apprenti est interrogé sur différents sujets par un panel d’examinateurs.

Tout compte fait, il faut environ une quinzaine d’années d’expérience accompagnées de plusieurs formations, dont huit années comme pilote, pour pouvoir mener à bon port des navires de tous tonnages et de toutes marchandises et ce, dans toutes les conditions. En termes comparatifs, c’est aussi long que pour devenir un médecin spécialiste !

La simulation, un outil d’apprentissage incontournable!

Afin de bien maîtriser tous les aspects techniques et technologiques de la profession, les pilotes de la CPSLC, ont recours à la simulation. Deux types de simulateurs sont ainsi utilisés lors de leur formation, mais aussi au cours de leur carrière, leur permettant de maintenir leurs compétences.

1. Le type virtuel

Ce simulateur utilise des écrans haute résolution liés à une réplique de passerelle de navire. Un ordinateur puissant utilise ensuite une base de données afin de recréer des mises en situations. Celui-ci sert en particulier à pratiquer le pilotage dit de « rivière » et les manœuvres associées et ce, de façon très réaliste.

2. Le type « maquette »

Prenant place dans des maquettes de navire de taille 1/25e, le pilote peut pratiquer des manœuvres courantes ou de situations d’urgence. Ainsi, des quais, des remorqueurs, des courants et des vents peuvent être recréés à l’échelle dans le but de rendre l’exercice le plus réaliste possible.

Simulateur virtuel représentant la passerelle d’un navire Coll. Centre den simulation et d’expertise maritime

Simulateurs de type maquette
Source : Ilawa Ship Handling Research and training Center

L’Institut maritime du Québec : une référence internationale!

Le 24 mai 1944 est inaugurée ce que l’on nommait jadis l’École de marine de Rimouski, chapeautée par la Corporation du Séminaire Saint-Germain de Rimouski.

En septembre de la même année, une première cohorte d’élèves occupe les locaux de l’établissement scolaire dirigé par Jean Bernatchez, membre de la Marine royale canadienne. Dès ses débuts, l’École offre des formations menant vers trois certifications distinctes. La formation en navigation mène aux brevets de second officier, premier officier, ainsi que capitaine au long cours. La deuxième formation concerne le domaine de la mécanique de marine. C’est une préparation pour les brevets de mécanicien de la quatrième à la première classe. Puis, il y a une formation pour préparer les candidats à l’obtention d’un premier brevet de service côtier. Elle s’adresse à ceux ayant déjà effectué du temps en mer.

C’est à partir de 1958 que l’École de marine de Rimouski devient l’Institut maritime du Québec. Aujourd’hui devenue une école nationale, les programmes offerts concernent la navigation, la mécanique de marine, l’architecture navale, la logistique des transports ainsi que la plongée professionnelle.

La réputation de cette institution n’est plus à faire et elle est devenue une référence sur le plan international. D’ailleurs, bon nombre d’étudiants internationaux fréquentent ses salles de cours et des professionnels du milieu maritime viennent y parfaire leurs connaissances.

https://www.imq.qc.ca

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